SARAH MOON (1941 - )

SARAH MOON
Elle passe ses années d'enfance en Angleterre, loin de la France occupée. Mannequin, elle devient photographe de mode (Vogue, Marie-Claire, Loréal, Cacharel..). Depuis 1985, elle ne photographie plus que pour elle-même. Son univers, onirique et sophistiqué, est fait de gros plans déracinant les sujets de leurs contextes, de tons lourds, d'une absence de véritables blancs, de visages effacés ou au regard dérobé, de flous, d’horizons souvent tronqués. En noir et blanc, elle se sert du film Polaroîd, de la solarisation, de grattages, détériorations, ou salissures. En couleur, elle fait tantôt vibrer les couleurs quand elles se rencontrent, et tantôt privilégie un rendu quasi monochrome où les ombres envahissantes limitent la palette qui nous est offerte. Une profonde mélancolie, mais aussi une incroyable poésie se dégage, celle du dérisoire de l’humain face au temps. Très marquée par Lewis Carroll, elle est aussi l'auteur d'une terrifiante adaptation du Petit Chaperon Rouge et d'un film sur La Petite Fille aux allumettes, mêlant vidéo et photographie.
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Citations

  • Je me souviens d'une nuit où la neige était tombée. Au matin, au réveil, j'ai fait ce que je n'avais jamais fait, poussée par je ne sais qu'elle nécessité, j'ai photographié les hortensias du jardin, ensevelis. Ce n'était plus moi mais la vie qui racontait son histoire. D'une pression de l'index sur le déclencheur, dans un clin d'œil et dans une fraction de seconde je la faisais mienne. C'est alors que tout a commencé. J'ai photographié pour moi, alors qu'avant il me fallait être demandée pour oser.
  • new Ma vision est un peu embaumée du fait même que l'instant est déjà mort quand je le saisis. Créer l'illusion, la chimère, animer l'inanimé, brouiller les pistes, j'ai toujours pensé que je suis un peu taxidermiste quand je photographie, quand j'essaie de mettre les fantômes de mon côté, de sauver l'aperçu de l'oubli, de faire comme si c'était possible de voir autrement ce que j'ai perdu, de réinventer ce que j'ai pu voir..(texte d'introduction à l'exposition "Alchimies", Museum d'Histoire naturelle, jardin des Plantes, Paris, octobre 2013)
  • new La photo? L'opportunité a fait que j'ai eu envie de passer de l'autre côté [..]. Et puis, j'ai commencé à trouver un écho entre moi et le monde, et à essayer de prendre cet écho, et puis... oui, c'est une résonance. ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • new Quand on photographie un arbre, à la fois on photographie ce qui vous attire et ce qui vous est étrange. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas que la beauté que l'on photographie. On passe devant un arbre dix fois, et puis tout à coup on le "voit", parce qu'on le charge de quelque chose que l'on ressent à ce moment-là. S'il y a dix personnes qui photographient cet arbre, il y aura dix arbres pour le même, parce que chacun porte son regard, son ressenti sur ce qu'il voit. ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • new Ce qui est intéressant dans une photo, de toutes façons, quelle qu'elle soit, c'est ce qu'elle exprime. Je dis toujours: "la forme, c'est le fond qui remonte à la surface" – ce n'est pas de moi, c'est une citation, de Victor Hugo, je crois. Donc, il y a une forme qui est comme une écriture finalement, qui est le cadre, la lumière, ... enfin, une forme. Une forme visuelle, et j'essaie de faire en sorte que l'appareil traduise ce que je vois. Pour moi, c'est ça la technique. ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • new "Je marche à reculons vers le futur". Pourquoi j'ai dit cela? C'est à dire que tout est dans le grenier de l'enfance. Le grenier, c'est l'enfance. [..] On avance, je dis toujours, un pied avant l'autre. Mais probablement chaque pas est imprégné de ce qu'on a vécu, des influences. Marcher à reculons, c'est marcher avec son poids, le poids de la vie, le poids du vécu. ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • newVoilà la photo des cerfs. C'est très beau, mais... c'est raté parce qu'il n'y a pas de magie. Moi, ce qui m'a intéressé quand j'ai fait la photo des cerfs, c'est que lui brame, et qu'elle regarde. Et quand je regarde ceci, je ne vois plus cela: je vois deux cerfs dans la forêt. Vous voyez ce que je veux dire? Cela ne fonctionne pas; c'est juste une jolie image... ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • newCe que j'essaie d'encourager, c'est le désir de photographier l'expression; qu'une photo exprime quelque chose. Le désir de photographier, de voir ce qu'on voit. Le fait que la photo révèle ce qu'on a dans la tête. ("L'Atelier de Sarah Moon", interview par Vincent Josse, France Inter, octobre 2013)
  • Je crée des situations qui n'existent pas. Je cherche la vérité de la fiction. Je serais incapable d'être reporter ou de photographier quelqu'un sans son consentement. Une image de mode, c'est l'évocation d'une femme à partir de son vêtement et d'une somme de détails comme sa gestuelle, la courbe de sa nuque, les plis de sa robe... C'est l'instant d'un film que je ne ferai pas.
    Interview, in "La photographie selon Sarah Moon", L'Express Styles, Anne-Laure Quilleriet, 06/05/2010
  • Souvent j'envie ceux qui savent photographier la vie. Moi, je la fuis — je pars de rien — je ne témoigne de rien — j'invente une histoire que je raconte pas, j'imagine une situation qui n'existe pas — je crée un lieu ou j'en efface un autre, je déplace la lumière — je déréalise et puis j'essaie...
    Je guette ce que je n'ai pas prévu, j'attends de reconnaître ce que j'ai oublié — je défais ce que je construis — j'espère le hasard et je souhaite plus que tout être touchée en même temps que je vise.
    Vrais Semblants, Delpire, Paris, 1991
  • C'est seulement quand j'ai commencé à travailler pour moi-même que j'ai pu utiliser le noir et blanc [..] proche de l'introspection, de la solitude, de la perte et du manque.
    Entretien avec Ilona Suschitzky, sur l'utilisation de la couleur
  • La couleur m’apparaît comme un langage plus commun, plus généreux, plus ouvert. Quand je photographie des fleurs, une nature morte ou même de la mode, la couleur m'oblige à être plus abstraite. [..] Je ne veux pas être en compétition avec le réel.
    Entretien avec Ilona Suschitzky, sur l'utilisation de la couleur
  • Quand quelqu’un regarde une de mes photos c’est son reflet qu’il voit avant le mien. C’est comme un miroir qui le prend par surprise... Et quelquefois nous nous y rencontrons.
    Entretien avec Ilona Suschitzky, sur l'utilisation de la couleur